Master Class: Mohamed Ben Attia « Ils ont fait leur fils comme un projet de vie »
Mohamed Ben ATTIA, réalisateur Tunisien (Crédit photo; Germain KIEMTORE)
La 4e master class de cette édition 2018 de Ouaga Film Lab s’est déroulée ce jeudi 27 septembre 2018 au ciné Burkina de Ouagadougou. Cette fois-ci « les amoureux du cinéma » sont allés à la rencontre du film « WELDI » du réalisateur et scénariste Tunisien Mohamed Ben Attia en compagnie de la productrice Dora Bouchoucha.
Mohamed Ben Attia nous peint dans son deuxième long métrage une famille à la fois soudée et fragile. En effet Riadh est un père très aimant, attentif envers son fils et parfois un peu candide, prenant la vie avec une certaine légèreté. D’un autre côté, Nazli la mère est plus réaliste. Elle sait prendre le contrôle des choses quitte à jouer souvent le rôle de chef de famille. Et au beau milieu se trouve le fils « chéri » Sami en quête de son identité et se sentant par moments oppressé face à tant d’amour de la part de ses parents. Le réalisateur nous montre là des parents coupés du monde et n’ayant qu’une seule occupation, veiller au bien être de Sami. En effet, la caméra suit de très près les personnages, mettant à nu leur intimité et brisant pour ainsi toutes les barrières que cette famille a toujours de-tressé face au monde extérieur.
Sami, « l’espoir » de ses parents est sur le point de passer le bac et cela attire toute l’attention de ses parents qui attendent de ce jeune qu’il réussisse à son examen afin de poursuivre plus tard ses études universitaires. Mais de terribles migraines lui occasionnant des évanouissements viennent troubler leur quiétude. Ses derniers se donnent alors pour mission de guérir leur enfant de ce mystérieux mal.
Mais Mohamed Ben Attia compte bien susciter en nous d’innombrables questions quant à la suite du film. Comme l’on le dit souvent, « Les apparences sont souvent trompeuses », et cette famille ne fait pas exception point de cette citation. En effet l’on se dit bien qu’il finira par ne plus avoir des migraines et que son bac il le passera. N’est-ce pas ce qui puisse arrive à ce jeune garçon sage et sans problèmes apparents ?
Mohamed Ben ATTI, sa productrice Dora BOUCHOUCHA et Magali ARMAND du CNC France
Mais voilà que le fils prodigue disparaît brusquement à quelques jours du baccalauréat laissant ainsi ses parents dans un total désarroi. C’est alors que revêt tout son sens le titre du film, « WELDI » ou « mon chère enfant ». Certes, elle est une phrase qui peut paraît très simple mais qui représente « un cri de cœur » pour Riadh qui partira dans un périple à la recherche de Sami parti en Syrie.
Dès lors, pleins de questions se posent, telles que : Comment cela a pu arriver ? Pourquoi Sami est-il parti en Syrie, lui qui est de nature respectueux et sage ? Comment reconnait ont les potentiels combattants de la Syrie ? Viennent-ils de familles très pauvres ? Très croyantes ? Riches ? Modestes ? D’immigrés ? …etc.
Pour le réalisateur il ne peut pas y avoir de modèles types car tous nous pouvons être de potentiels combattants de la Syrie, « l’on ne peut cataloguer un quelconque groupe ou une tierce personne car autant il y a des Tunisiens, il y a également des Belges, des français des médecins, des pauvres…etc. Je ne suis donc pas à mesure d’expliquer cela » soutient-il.
Nous retenons alors de ce film, cette force qu’il impose à nous qui est de lâcher prise dans certaines situations car, de fois il y a des choses qui nous arrivent que nous ne contrôlons pas et dont nous ne sommes pas à mesure d’expliquer. L’on ne peut donc pas expliquer pourquoi Sami est-il parti en Syrie ? Pourquoi son père a-t-il échoué dans cette tentative de le retrouver ? Pourquoi Sami a-t-il eu une mort tragique loin de chez lui ? Pourquoi les parents de Sami n’ont-ils pas pu rester souder après la mort de ce dernier ?
Après la projection l'équipe de production répond aux questions
Ce sentiment d’impuissance nous montre que les fins heureuses n’arrivent pas tout le temps. Nous sommes maîtres de nos destins et c’est à nous de savoir quelle carte sortir et à quel moment la faire sortir. En effet, de fois nos actes nous conduisent vers des chemins sans issues, d’où la nécessité de maîtriser les règles du jeu de la vie. Nous retenons également de ce film la qualité du jeu des acteurs qui ont su nous transmettre différentes émotions telles que la joie, la peur, le désespoir et la colère. Aussi « WELDI » est un film d’actualité car il touche un point sensible de ce qui se passe de nos jours tel que le djihadisme et les conséquences qu’il peut engendrer notamment la séparation des familles. Il est donc judicieux d’éviter de juger Sami ou ses parents car nous sommes tous des potentiels Sami, Riadh et Nazly, et cela est sûrement le message que veut nous transmettre Mohamed Ben Attia.
La projection terminée, les cinéphiles de la soirée ont eu l’occasion de poser des questions au réalisateur et à la productrice même si quelques parts d’ombres restent à être éclairées. La magie du cinéma ne serait-elle pas de susciter en nous de perpétuels questionnements?
Anaïs KERE